Des nouvelles de notre inventaire
Par Aurore Lüscher, Jeremias Kuehne, Guillaume Guenat et Roxane Borgeaud
Le GameLab, c’est bien sûr des conférences, des interventions et des médiations scientifiques, mais c’est aussi la gestion et l’étude d’objets physiques. Sous l’Anthropole à l’UNIL dorment, loin du regard du grand public, quantité de jeux, de matériel et même de magazines papier, issus principalement de dons faits bénévolement.
Inauguré à la fin de l’année 2018, l’espace dédié a vu au fil du temps ses collections grandir, jusqu’à nécessiter un réaménagement afin de pouvoir accueillir de nouveaux objets. Ces derniers, également utilisés pour certains dans le cadre de nos enseignements, nécessitent d’être conservés dans les meilleures conditions possibles (classification, boîtes en carton non acide afin de ne pas abîmer le matériel, etc.).


L’étagère des dons qui attendent d’être inventoriés (gauche), ainsi qu’ une collection de plus de 600 magazines des années 1980 à 2010, classés et conservés (droite).
Ce travail de patience, toujours en cours, est l’occasion de remercier et de visibiliser le travail de Autannes Estermann et Jeremias Kuehne (nos deux personnes recrutées pour mener cette tâche d’inventaire et de classement), ainsi que celui de Magalie Vetter, Aurore Lüscher (toutes deux membres de l’association SVGA, voir paragraphe suivant) et Guillaume Guenat !
“Travailler sur ces collections, c’est vraiment se frotter à l’histoire sociale du jeu vidéo, précise Guillaume Guenat. On y trouve toutes sortes de machines, de magazines ou de jeux, des plus connus aux plus obscurs, mais aussi d’autres trouvailles pour les historiens, comme des notes manuscrites ou encore des tickets de caisse qui nous renseignent sur le contexte de la pratique.
Une de mes découvertes préférées est une collection en apparence anodine de jeux vidéo de cartes : celle-ci est intégrée à une série de “Classics” comprenant les contrefaçons “Pacmax” et “Tetrix” dont le design est tout à fait fabuleux !”


”La collection comprend à la fois des objets très connus et des objets marginaux. Tous participent au patrimoine vidéoludique.”
”On pourrait penser que la valeur de ce type de collection se mesure par les jeux qu’elles contiennent, explique Jeremias Kuehne. Mais c’est à mon sens passer à côté de leur réel intérêt. Ce que je préfère personnellement dans notre collection, ce sont les centaines de magazines d’époques différentes qui permettent de remonter le temps et de voir les discours et les pratiques journalistiques évoluer au fil des décennies.
Énormément de choses sautent aux yeux lorsqu’on fait l’exercice de lire la presse vidéoludique de l’époque. Bien sûr, on y trouve des propos et illustrations racistes, sexistes, homophobes, etc. Mais de manière plus surprenante, on peut voir qu’une place assez importante est accordée à la sexualité ou encore à la politique.
Bref, ces magazines regorgent de pleins de surprises allant des dérangeantes aux amusantes en passant par les invraisemblables.”

À l’image de ce numéro de Canard PC, le travail d’inventaire nous permet de travailler sur des sources primaires, et donc de faire un véritable bond dans le passé de la culture vidéoludique.
Une collaboration active sur les questions de préservation
Hors du seul cadre du GameLab, la question des bonnes pratiques en matière de conservation demande des compétences spécialisées pour extraire et conserver des données ou encore restaurer du matériel ancien, au-delà de la seule conservation du matériel physique. Des compétences encore rares mais qui se développent peu à peu, notamment au travers d’associations telles que SVGA (Swiss Video Game Archivists).
D’autres projets portent également la volonté de répertorier et de classifier des jeux conçus sur le territoire. La Suisse compte désormais diverses initiatives dont les buts sont de regrouper et visibiliser des productions, pour certaines produites par des développeurs indépendants ou même par de « simples » passionnés de jeux vidéo.
Ainsi, Confoederatio Ludens (un projet Sinergia soutenu par le Fonds national suisse pour la recherche) et le site Swiss Games Garden, géré pour une part significative de manière bénévole, participent à la fois à répertorier mais aussi à visibiliser les créations locales et les studios établis sur l’ensemble du territoire. Le GameLab collabore également avec la plateforme notreHistoire.ch, gérée par la RTS, pour recueillir les témoignages et souvenirs des Romand·e·s à travers d’autres types de sources, comme les photos personnelles ou des articles de presse qui relatent l’arrivée du jeu vidéo dans nos contrées (participez vous aussi avec vos souvenirs en suivant le lien précédent !).
Ainsi, les activités de préservation du GameLab Lausanne se déclinent à travers différentes initiatives. Elles s’inscrivent dans un mouvement global visant à reconnaître, sauvegarder et valoriser un patrimoine culturel aussi fragiles que précieux.